Le Gueux ou le Truand, Peinture
de Désiré François Laugée, 1882
peinture à l’huile sur toile
100.5 cm X 81 cm, conservée au Musée des Beaux Arts
de Rouen. Peinture académique de Désiré
François Laugée proche de la sculpture,
faisant penser au travail de Rodin. Oeuvre présentée à l'Exposition des Beaux-Arts de Rouen de 1882.
Le pastel
Le Gueux ou le Truand,
datant de 1880 et préfigurant cette oeuvre, a été
présenté au Salon des Artistes Vivants de 1880.
Louis Albain
rédacteur en chef du journal Le
Glaneur décrit ainsi ce tableau le 29 mai
1882 : « Le Truand, de Monsieur Désiré
Laugée est une œuvre devant laquelle
il faut s’incliner. On connaît le sujet. Un horrible
gueux a défait une manche de son horrible chemise et entre ses deux
pouces écrase un horrible pou. Les formes, les chairs sont parfaites.
La tête est splendide de laideur et de vérité. Et quelle
puissance de couleur ! Nous avons cherché autour du front pustuleux
du « truand » le nimbe d’or dont on dote les saints, mais
nous ne l’avons pas trouvé. C’est pourtant saint
Labre, cet affreux bonhomme-là ! Et ce qui le prouve c’est
que les cléricaux se signent et s’inclinent pieusement en passant
devant lui. Les visiteurs qui ne sont pas cléricaux
se contentent de se gratter. Superbe toile. » (Louis
Albain était le beau-père d’Albert
Malézieux, Architecte, neveu de Désiré
Laugée.)
Commentaire de Christine DEBRIE, ancienne
conservatrice du Musée Antoine Lecuyer
de Saint Quentin : « Les pauvres gens font partie de
l’univers de Désiré Laugée. Aussi
le pastel du musée de Saint Quentin,
par son iconographie, sa sobriété, son réalisme,
sa force expressive est-il très représentatif de l’art
de ce peintre. Ce visage bandé rappelle curieusement
celui du supplicié devant le tribunal de l’Inquisition,
dans le tableau intitulé La
Question (Salon de 1881, musée d’Avignon).
Il s’apparente également aux personnages en
guenilles qui constituent le sujet du tableau Le
Serviteur des pauvres (1880, musée de Lille),
tandis qu’un dessin, légendé «
Mariez-vous donc », montrant un gueux à l’œil
bandé fut publié en 1880 dans la Revue comique
[du] Salon Havrais. C’est probablement vers cette date
que Laugée réalisa ce pastel
de très belle qualité, œuvre aboutie qui a pu néanmoins
être exécutée en vue du tableau d’Avignon.
Le style maîtrisé, le traitement intéressant de la matière
tantôt épaisse, tantôt plus légère et laissant
deviner le grain du papier, l’agencement
souple des drapés enveloppant adroitement le visage,
le torse et les bras du personnage, le choix volontairement restreint des
couleurs douces et chaudes, essentiellement des ocres,
des gris et des blancs très nuancés,
confirment le talent et la sensibilité de l’artiste.
L’éclairage rembranesque confère
puissance et caractère à cet homme saisi dans une attitude parfaitement
observée et rendue. L’expression concentrée
du visage indique toute l’attention portée sur
le geste, lui-même valorisé par la lumière
qui illumine la partie centrale du tableau. Là se
trouve le véritable sujet traité par le peintre
: son modèle, un misérable des villes ou des
campagnes, vient de quitter sa chemise et sur la manche,
entre ses deux pouces, il écrase une puce. Quelle surprenante version
« moderne » du célèbre tableau
de Georges de La Tour, La femme et la puce !
»
L'Académie est heureuse de compter, parmi ses membres correspondants, M. Laugée, de Maromme, dont le musée de peinture a acquis Le Truand. C'est une étude savamment peinte, que les élèves de nos écoles des Beaux-Arts pourront consulter avec profit.
Nous préférons cependant sa Tête de jeune fille, note exquise, éclairée en reflet, dans les tons blonds et argentés.
La Récolte de l'œillette, du même artiste, nous fait voir de jeunes paysannes peintes dans les colorations blondes et rose pâle, mélangées de tons violets dans les vêtements ; le tout, enveloppé d'une harmonie grise, forme un ensemble distingué.
M. Hedou - Salon des Beaux-Arts de Rouen - 1882.