Eustache Le Sueur chez les chartreux : peinture de Désiré
François Laugée réalisée en 1854. Eustache Le Sueur chez
les chartreux est une huile sur toile de 173 cm X 241 cm. Ce tableau a été exposé au Salon des Artistes Vivants de 1855, lors de l'Exposition Universelle. Il a reçu une médaille de deuxième classe. Ce tableau a été donné à l'Etat en 1885. Acquis par le Musée du Luxembourg, il est aujourd'hui visible à Troyes au Musée des Beaux Arts. (Cliché Jean-Marie
Protte). Assis sur un fauteuil, un carton à dessiner sur les genoux, Lesueur est occupé à faire tenir la pose a un jeune Chartreux debout à quelques pas, et tenant un papier dont il fait la lecture; plusieurs moines environnent l'artiste, dans l'intention de considérer le travail auquel il va se livrer.
Dans l’Illustration, Journal Universel,
du 18 août 1854, A.J. Du Pays commente : « Eustache
Lesueur chez les Chartreux de Monsieur Laugée.
"le grand artiste est assis, entouré de moines
qui le regardent dessiner d’après nature.
La scène, qui respire le calme du cloître, est
d’un aspect harmonieux et doux, auquel contribue le
jour monotone répandu dans cette salle nue aux parois
grises, sur les quelles s’enlèvent les robes
blanches des chartreux".
Dans le Guetteur de Saint-Quentin on peut lire : Le succès obtenu par l'industrie Saint-Quentinoise à l'Exposition Universelle, succès dont nous pouvons nous enorgueillir, ne doit pas nous faire oublier le triomphe légitime que vient d'y remporter, dans les arts, un de nos compatriotes, Désiré Laugée. Cet artiste, qui a passé dans notre ville son enfance et sa jeunesse, qui a reçu dans notre école de dessin les premières leçons d'art auquel il doit déjà une grande réputation et auquel il devra demain une gloire dont nous, Saint-Quentinois, nous revendiquerons un jour notre part plus ou moins contestable, vient d'être récompensé dignement ; il a reçu jeudi dernier une médaille de 2° classe, pour son tableau : Eustache le Sueur chez les Chartreux.
Nous arrivons enfin à l'objet principal de cet article, au tableau représentant Eustache le Sueur chez les Chartreux. Nous voilà bien loin du Siège de Saint-Quentin, il ne s'agit plus, en effet, de trouver le secret d'immobiliser le mouvement sans lui faire perdre son caractère, de deviner, de saisir à la volée la seconde précise d'une action multiple à laquelle participent les figures les plus diverses, les gestes les plus dissemblables, c'est chose trop facile ! Il s'agit d'une scène muette et calme où l'animation ne doit se trouver que sur un visage au milieu de l'expression de la quiétude et de l'indifférence. Les amis de Laugée, qui ne connaissaient pas encore toutes les ressources de son talent, ont pu craindre, en le voyant commencer ce cadre, que l'art ne lui fit défaut, dans une peinture dont les moyens et les effets se bornaient à la traduction intime d'un sentiment, et qu'il ne trouvât plus en lui la nouvelle aptitude et les nouvelles forces nécessaires pour entrer dans cette voie si opposée à celle dans laquelle il avait réussi , ils se sont complètement trompés. C'est précisément ce tableau qui lui a valu son plus beau triomphe, et qui lui a fait obtenir la médaille si enviée par les peintres de toutes les nations.
Quelques mots sur le sujet : les biographes rapportent que Le Sueur, qui aimait passionnément sa femme, l'ayant perdue et étant resté dans l'isolement le plus complet, échappa à la haine et à l'envie de ses rivaux, en se retirant au couvent des Chartreux où il mourut. On en fait ainsi une sorte de Fra Bartolomeo qui prête beaucoup au romanesque et qui pouvait poser pour un tableau de genre d'une exécution simple et d'un intérêt sûr. Malheureusement, l'histoire donne un démenti aux traditions d'atelier, Le Sueur, à la mort de sa femme n'était point isolé, il avait six enfants ; il ne s'est pas fait chartreux et n'est pas mort au couvent. [...]
Laugée avait déjà obtenu une médaille, qui lui assignait une place très-honorable parmi les peintres. La solennité de l'Exposition Universelle, cet immense concours ouvert entre les artistes de tous les pays, et le petit nombre des élus, donnent une valeur exceptionnelle à la nouvelle récompense qui vient de lui être décernée.
Outre son remarquable tableau de Le Sueur, Laugée avait à l'exposition deux beaux tableaux, celui de M. Bouret et de son fils, et celui de notre concitoyen M. Leroux, sociétaire de la Comédie Française.
Le Guetteur de Saint-Quentin, dimanche 18 novembre 1855
Dans le Journal de Saint-Quentin : Nous avons voulu clore cette rapide esquisse sur les artistes de notre pays dans la section de la peinture par l'appréciation des œuvres de M. Laugée, qui a obtenu déjà en 1851 et 1855 deux médailles dans le genre historique.
