Joseph Malon, son père,
et Benoîte Baleydier,
sa mère, se marient à Précieux (Loire)
en 1834.
Ses parents, eux-mêmes enfants de paysans pauvres, avaient été
placés « chez les autres ». Au XIX°, 55 % des travailleurs
de l’agriculture sont domestiques ou journaliers. Son père, bon
travailleur, gagne 250 F par an» comme valet à la ferme
de la Croix d'Or, puis comme journalier à la semaine
à celle de la Cotille où Benoîte
Baleydier est « grand'servante ». Quand ils
décident de se marier, le maître refuse avec force injures et
ils partent en mai [1834] sans pouvoir arracher un sou de ce qui était
dû.
Ils s'installent au Marais, près de Précieux.
La jeune femme « ayant été elle aussi [obligée]
d'aller en condition chez les autres » à onze ans était
« toute à la joie d'avoir un chez-soi ». Elle tient son
ménage, s'occupe des enfants et a une truie, une chèvre et deux
à trois moutons..
Trois autres fils sont nés de cette union : Pierre
Malon (1837-1839, mort à deux ans), Jean
Malon dit Joseph Malon (1838)
- qui devint instituteur ; Jean
Malon, dit Jean-Marie Malon
(1843-1849, mort à six ans).
Benoît Malon, le 3° enfant, est donc né
le 23 juin 1841 à Précieux (Loire).
Bon élève, il aime l’étude mais on a besoin de
son travail et il devient berger dans des fermes de la région
(gardeur de dindons, puis de porcs) où sa mère, à la
mort du père à 34 ans (1844), réduite à la misère,
est obligée de faire des journées comme « grand’servante
», ce qui les rapproche… En 1849, meurt son frère Jean-Marie
Malon, âgé de 6 ans, et Benoît, très
attaché à son frère, éprouve un chagrin violent..
Après le remariage de sa mère, Benoît
(il a 12 ans), part travailler dans l'Ain où il reste
six ans comme pâtre, aux environs de Chalamont.
Il parvient bientôt à tenir les écritures
du fermier et même à faire sa comptabilité.
Mais celui-ci, fait durement travailler ses domestiques et
prête avec usure aux paysans (et quand il a prêté beaucoup
à un paysan pauvre qui ne peut rembourser, il rachète ses terres
à bas prix)
De 1859 à 1860, malade, Benoît trouve asile
chez son frère Jean Malon,
instituteur à Margerie-Chantagret,
où il suit sa classe, acquiert les bases dont il manquait, lit beaucoup
et travaille occasionnellement comme journalier. Il suit son frère
nommé instituteur à Maringes (Loire),
puis s’inscrit à Lyon aux cours destinés
à le préparer au petit séminaire. Mais
son amour avec Jeannette Girin, de Maringes,
provoque une crise et la perte de sa foi
En 1863, il arrive dans la région parisienne et s’installe à
Puteaux. Il est ouvrier teinturier
et, en 1865, rencontre Camélinat et adhère
à l’Internationale. Dès Juillet 1866,
il anime la grève des ouvriers teinturiers
de Puteaux et, en Septembre, participe à la création
de la Revendication, coopérative ouvrière
et société de Crédit Mutuel et de solidarité,
dont il est vice-président. Il assiste au congrès de l’Internationale
à Genève et participe en province à
la création de plusieurs sections de l’Internationale.
C’est en 1868 que débute sa liaison avec la romancière
féministe Léodile
Champseix, qui signe ses romans André
Léo. Benoît Malon devient, avec son ami,
l'ouvrier relieur Eugène
Varlin, l’un des dirigeants de l’Internationale
qui, interdite, devient clandestine. Il est secrétaire de la section
de Paris. Il est devenu garçon de librairie,
puis s'essaie au journalisme militant. L'un de rôles
de Benoît Malon a été, dans cette période,
de diriger, d'implanter en province et, après 1867, de maintenir dans
la clandestinité l'Association Internationale des Travailleurs
Condamné à trois mois de prison pour « avoir fait partie
d’une association non autorisée ». Il purge sa peine à
Sainte-Pélagie, où il reçoit les visites
de Léodile Champseix
qui, au même moment, participe activement au mouvement des réunions
publiques qui a préparé la Commune, et organise
le mouvement de revendication des femmes.
En Mars-avril 1870, il est l’envoyé du journal La Marseillaise,
le journal d’Henri Rochefort, pour rendre compte de
la grève du Creusot. En Juillet, il est condamné
à un an de prison pour reconstitution « d’une société
secrète » (l'Internationale avait été
dissoute), et emprisonné à Mazas puis à
Beauvais. C’est en prison qu’il signe un manifeste
contre la guerre, l'appel de l'Internationale qui appelle
les ouvriers français et allemands à se dresser contre la guerre.
Mais l'appel eut peu d'écho, en raison d’une vague de nationalisme
qui submergeait l'opinion française. Après Sedan
et la reddition de Napoléon III, la proclamation de
la République, le 4 septembre 1870, a libéré
Benoît Malon.
Sa place dans le mouvement ouvrier s'explique par le rôle
joué pendant « l'Année Terrible »,
celle du siège de Paris et de la Commune.
Dès Novembre 1870, il est adjoint au maire du XVII°
arrondissement de Paris (les Batignolles,
au N.O). Pendant le siège, il réussit à fournir des secours
aux victimes de la misère et le 7 janvier 1871, signe le texte de «
l’affiche rouge» qui dénonce « l’incapacité
» et la «trahison » du gouvernement. Il réclame la
« levée en masse » et la proclamation de la Commune.
Député de la Seine à l'Assemblée
Nationale, qui se réunit à Bordeaux,
en février 1871, il vote contre la cession de l'Alsace-Lorraine
à l'Allemagne : l'Internationalisme n'est pas antinomique
du patriotisme et, autour de Gambetta, les Républicains
sont animés par un vibrant patriotisme. Comme plusieurs députés
républicains, il démissionne de l’assemblée.
Le 18 mars 1871, venant de la Loire, il rentre à
Paris le jour où éclate l’insurrection
de la Commune. Comme la plupart des membres de l'Internationale,
il ne souhaite pas l'affrontement avec le gouvernement de Thiers
installé à Versailles. Il veut éviter
la guerre civile car il pense que l'affrontement risque d'aboutir à
l'écrasement du mouvement ouvrier en train de naître et de s'organiser.
Mais lorsque la rupture est consommée, il est du côté
des insurgés, élu membre du conseil général
de la Commune. Par attachement à la démocratie,
il est de la minorité, au sein de ce Conseil, qui
s'oppose à la constitution d'un comité de Salut Public
exerçant - pour sauver la situation - un pouvoir dictatorial. Avec
André Léo,
Léodile Champseix,
il rédige, au nom de la Commune, l’Appel aux
travailleurs des campagnes qui tente de gagner les paysans à la cause
de la Commune. C'est lui qui, avec Gérardin,
a proposé la candidature de Rossel, un capitaine de
l'armée de Bazaine, rallié à la Commune
comme chef militaire des Fédérés.
Pendant la "semaine sanglante" (21-28 mai 1871),
devenu maire des Batignolles il dirige la résistance
dans son quartier, mais la Commune est écrasée…
La répression par les soldats de Versailles fait 15
à 20 000 morts ; le pavé parisien est rougi du sang des Communards.
Benoît Malon est condamné par contumace, par
le 3e conseil de guerre de Versailles, à la déportation
perpétuelle. Il semble qu'une intervention faite par un proviseur de
lycée - qui vint témoigner en sa faveur - lui ait évité
une condamnation à mort.
Il s’échappe et parvient à quitter la France. Il s’installe
à Neuchâtel en juin 1871. Durant dix ans d'exil
en Suisse, à Lugano, et en Italie,
à Turin, Milan et Palerme,
il réfléchit et publie beaucoup, mais prend aussi de nombreux
contacts avec les dirigeants socialistes italiens...
En Novembre 1871, paraît à Neuchâtel son
premier ouvrage, La troisième défaite du prolétariat
français, récit de la répression de la Commune
par les Versaillais. En Décembre 1871, il prend parti
pour la fédération jurassienne de Bakounine
et, dès Juin 1872, Léodile
Champseix devient officiellement sa compagne. Il est condamné en
1872 par contumace, par le 6e conseil de guerre, à la déportation
dans une enceinte fortifiée. Il publie L’Internationale,
son histoire et ses principes ainsi que de l’Exposé des écoles
socialistes françaises et part pour l’Italie. Benoît
Malon et Léodile
Champseix résident à Milan, à Lugano
et à Palerme, avec des séjours en Suisse.
En 1873, paraît son roman historique, Spartacus.
A partir de 1876, il se sépare des « jurassiens
» et se rapproche de Jules Guesde ; il collabore à
son hebdomadaire L’Egalité et fonde, en 1877,
la revue Le socialisme progressif qui ne dure que quelques
numéros. Lorsqu'il rentre en France, après
l'amnistie de 1879-1880,. Il est devenu l'un des chefs historiques du mouvement
socialiste, connu en France et à l'étranger.
Il fonde, en 1885, la Revue Socialiste, carrefour d'idées
et de tendances, un véritable laboratoire de réflexion et de
recherche : dans cette revue publient des socialistes issus de toutes les
tendances, souvent très opposées, du socialisme français.
Il publie des études importantes sur le socialisme en Hongrie,
au Danemark, en Espagne ou en Roumanie.
Il n'a jamais oublié son pays natal, et cet attachement se manifeste
par la rédaction de ses "Mémoires d'enfance"
(Fragment de Mémoires), publiées en 1907, quatorze ans après
sa mort, dans la Revue Socialiste : document, plein de justesse
et de sensibilité, sur l'enfance d'un fils de paysan pauvre.
Sa mère meurt en 1889, à Bonson, âgée
de 76 ans. Deux fois veuve, elle vivait chez son fils Jean
Malon. Benoît Malon est très affecté par la mort de
sa mère et les dernières années de sa vie sont assombries
par la maladie. En 1893, il subit une trachéotomie,
à Cannes.
.
Il est atteint d'un cancer de la gorge ; il continue cependant
à travailler avec acharnement, jusqu'à sa mort (le 13 septembre
1893), pour achever son oeuvre et mettre au point son ouvrage sur le Socialisme
intégral qu'il craint de ne pouvoir achever... Il meurt le
13/09/1893 à Asnières, dans les Hauts-de-Seine).
Son corps est porté au siège de la Revue socialiste
où il reçoit l’hommage des Parisiens. Quatre jours plus
tars, ses obsèques seront suivies par 10 000 personnes jusqu’au
cimetière du Père-Lachaise, où il est
incinéré.
En 1913, un monument est édifié par souscription face au mur
des Fédérés contre lequel avaient été
fusillés les derniers combattants de la Commune et,
dans un grand discours, Jaurès qui dit alors sa dette
envers Benoît Malon.
Documents annexes