Genealogie | Artiste | Peinture | Sculpture | Musique | Litterature | Artisanat
MENU
INFORMATIONS
PARTENAIRES

Jules Charles Joachim Malézieux

Biographie Généalogie Photographie(s) Oeuvre(s)

Litterature : Le diplôme des architectes

Le diplôme des architectes
Le diplôme des architectes

Jules Charles Joachim Malézieux
Le diplôme des architectes


Technique : Monographie
Support : Livre
Sujet : Article sur les conditions de la création d'un diplôme pour les architectes
Localisation : Collection-Particuliere
Date : 1890 -

Le diplôme des architectes par Jules Charles Joachim Malézieux

Le Diplome des architectes Joachim Jules Charles Malézieux architecte peintres et sculpteurs

Le Diplômes des Architectes : série de lettres écrite par Joachim Jules Charles Malézieux au journal La Semaine des Constructeurs à l'occasion de l'instauration d'un diplôme sanctionnant le métier d'architecte.

LE DIPLOME DES ARCHITECTES

La nomination d'une Commission officielle pour l'étude de la question du diplôme ne devait pas manquer d'exciter l'intérêt de la corporation tout entière des architectes; la publication du Questionnaire, dont nous avons donné connaissance à nos lecteurs dans le numéro du 8 février dernier, n’a pu qu’accroître cet intérêt, en précisant le terrain de la discussion. Nous nous attendions donc à plus d’une communication sur ce sujet brûlant ; je dirais même, nous avions le vif désir qu’il en fût ainsi : un projet de loi doit être sérieusement discuté avant son adoption définitive, sinon il risque d’être fort mal reçu après sa promulgation. D’ailleurs, personne ne peut mieux connaître les besoins de notre corporation, dont le diplôme a pour but de remplir un desiderata, que ceux-là même qui en font partie, et si la Commission officielle a seule pouvoir de rédiger un rapport, notre intérêt à tous exige qu’elle soit bien renseignée.

A ce point de vue, notre espoir n’a pas été déçu. Nos confrères de Paris et de province étudient le problème, retournent la question sous toutes ses faces. Beaucoup nous ont fait part de leurs critiques ou même de leurs inquiétudes, - car il y en a, - et dont il sera nécessaire de tenir compte.

A cette heure, toutefois, on peut déjà affirmer que la province veut le diplôme ; mais elle veut également que les positions acquises restent intactes, que les vétérans, ceux qui ont blanchi sous le harnais et fait leurs preuves, ne soient pas astreints à des examens qui auraient pour eux quelque chose d’humiliant ou d’inutilement vexatoire ; enfin que la liberté de l’artiste et celle du public soient respectées, dans toute la mesure conciliable avec les garanties nécessaires au public lui-même, à la corporation et à l’art.

Nous reproduisons ci-dessous deux lettres particulièrement intéressantes parmi celles qui nous sont parvenues sur cette question du Diplôme. La première, - de notre confrère M. Malézieux, de Saint-Quentin, - amusante et spirituelle à la fois, - se termine par une proposition divisée en articles et dont l’article 2 semblerait emprunté à une étude que prépare notre Directeur en ce moment : de part et d’autre, l’idée est identique, et c’est un plaisir pour nous de le constater.

Notre confrère M. Ch. Garnier rira tout le premier des « joyeux propos » de M. Malézieux, tout comme M. César Daly a ri de se voir classer parmi les « esthéticiens officiels » de la Commission hébergés à l’ « Ecole qui n’est pas au coin du quai. »
La seconde lettre, de M. G. Lasserre, de Niort, est plus développée encore. On y trouve le vif sentiment de l’architecte de province qui a souffert à la fois des préjugés publics et de la confusion que l’absence de diplôme a jeté sur les mérites personnels des vrais architectes, trop souvent confondus avec des gens sans étude, et souvent sans éducation.

Nos compliments à MM. Malézieux et G. Lasserre, de leur prompte initiative et de leurs intéressantes observations.

-----------------

Il y a quelques temps, notre Directeur avait promis d’exposer ses idées personnelles sur trois problèmes qui, suivant lui, se tiennent étroitement et doivent être étudiées ensemble :
1. La formation de sociétés d’architectes, destinées à se fédérer entre-elles en vue de constituer l’unité du corps.
2. Le diplôme d’architecte. Et,
3. L’enseignement général de l’architecture en France. Ce travail était fort avancé déjà, lorsque la nomination de la « Commission du Diplôme », qui devait aboutir à une sorte d’enquête départementale, a décidé notre Directeur à remettre la publication de cette étude, tout au moins, jusqu’après l’enquête, qui devra nous éclairer directement sur les besoins et les aspiration de la province.

Marcel Daly.

PREMIERE LETTRE

Saint-Quentin, février 1890.

Monsieur le Directeur,

Je suis partisan du diplôme, j’ajoute même que j’en suis amateur.

Cependant, ce n’est pas sans un certain petit frisson que j’ai vu le gouvernement, en veine d’initiative, créer officiellement une Commission pour l’examen de cette question du diplôme. Ce petit froid dans le dos vient spécialement de la composition de la susdite Commission.

J’y vois un peu trop de confrères officiellement esthétiques, Je veux dire qu’ils ont l’esthétique officielle, celle qui émane de l’Ecole qui n’es pas au coin du quai et que le Moyen Age et la Renaissance ont ignorée.

J’entends d’ici le formidable M. Garnier de l’Institut, faire, en un discours assaisonné de sel attique, le procès des pauvres diables dont je suis.

Je vois l’excellent M. Larroumet, suppléant le sympathique Turquet, et si le divin M. Proust, à qui nous devrons l’Olympia au Louvre, ne figure pas dans le concile, je n’y vois aussi que trois architectes de province, cependant que cette académie renferme en son sein vingt-neuf membres.

Que va-t-il advenir ? L’angoisse étreint un millier de pauvres architectes provinciaux.

Quelques-uns, déjà âgés, recommencent à pencher leurs tête devenues chenues, sur les bouquins de leur enfance, aux coins usés et aux marges noires des coups de pouces.

Voilà trente ans, quarante ans, qu’ils exercent honnêtement, sinon paisiblement leur profession. Ils ont vu de très près des briques, du moellon, du mortier, des pierres, du ciment ; le sapin, le chêne, le fer et le zinc, n’ont pas de secrets pour eux ; ils ont fait des écoles, des mairies, des églises ; construit des hôtels, des villas, des usines ; ils ont blanchi sous le harnais, ils ont aidé la justice en son œuvre, ils ont acquis des connaissances juridiques qui ont d’eux bien souvent des juges de pais ; mais tout cela n’est rien ! Ils ont l’inquiétude au cœur, car il va falloir, peut-être, passer des examens et cela, sans doute, devant M. Garnier, inventeur de l’église-zèbre en Coutil rayé (1).

Et alors, vous concevez ce qu’il peut advenir et ce qu’on verra, à la suite de l’examen :
Des vieillards de soixante ans, retoqués comme de simples aspirants bacheliers, cherchant à sa rattacher à leur ancienne profession en faisant, en qualité de saute-ruisseaux, le pochet des jeunes élèves fraîchement brevetés avec g.d.g.

Savez-vous que le questionnaire a des euphémismes lugubres et rappelle, par instants, les épouvantables initiatives de la F. M. aux derniers siècles.

Il parle de « faire subir des épreuves » ! Grand Dieu ! à quelles épreuves suis-je destiné ?

Pour le moins la roue et le chevalet !

Et les examinateurs, seront-ils vêtus de suaires noirs ? Seront-ils masqués et armés de longs poignards catalans ? Dans quel ossuaire des catacombes le louveleau devra-t-il répondre aux questions sur l’influence des pompiers antiques sur l’architecture moderne, sur la courbe des pressions, sur le moment fléchissant ?

Pour moi, qui voyais la question du diplôme comme étant d’une simplicité aussi antique que les pompiers de Marathon, le questionnaire a été la révélation de mon malheur prochain.

Pensez donc ! Ils sont là vingt-six, extrêmement officiels, des personnages très gros, à jetons de présence multiples, et vivant dans un milieu que je ne puis comparer qu’à l’Olympe, car ils sont, en général, plus demi-dieux que quarts de dieux, et j’ai peur. Ainsi, je possède la conviction invétérée que Mr Garnier, dont je n’ai pas l’honneur d’être connu, a ou aura de moi l’idée que je ne suis et ne puis être qu’un pygmée, un chétif ver de terre, et je ne lui en veux certes pas. Il a fait l’Opéra et l’église-zèbre ; il a un habit palmé et porte au côté une rapière pour enfiler les Philistins.

Cependant, tout mon verbiage serait répréhensible, si je ne vous donnais mon idée. Cette idée, la voilà :
« Art. 1er. – Nul n’est admis, à partir de la promulgation de la présente loi, à exercer la profession d’architecte, s’il n’est pourvu du brevet conféré par le gouvernement dans les conditions qui seront arrêtées par un règlement d’administration. »
« Art. 2. – Sont, dès à présent, admis au brevet, tous les membres des sociétés d’architectes autorisées qui en feront la demande dans le délai de six mois. »
« Art. 3. – Les architectes exerçant régulièrement et exclusivement leur profession, qui ne font pas partie d’aucune société reconnue, auront la faculté, pendant un délai de six mois, de se faire agréer par une société reconnue ou bien d’obtenir le brevet suivant l’une des formes suivantes :
- 1° Par un examen sur titres.
- 2° A défaut de titres, en passant l’examen prescrit par l’article 1er »
« Art. 4. – L’exercice de la profession sera considéré comme illégal pour toux ceux qui seront dépourvus du brevet et pourra donner lieu aux poursuites et peines prévues pour l’exercice illégal de la médecine et de la pharmacie. »

Je vous livre mon projet de loi. Il n’en sera pas tenu compte et je doute que Messieurs de la Commission (au moins pour le plus grand nombre) s’en préoccupent.

J’avais bien pensé à le faire en vers et à prier M. Garnier de le chanter au dessert (car il y aura un bouquet final) après sa belle complainte sur la Tour Eiffel ; mais j’y ai renoncé, de peur de lui nuire dans l’esprit des gens braves.

Veuillez agréer, etc.

J. Malézieux
Provisoirement architecte.

(1) Nous pensons que notre confrère fait allusion ici à l’élise construite par M. Ch. Garnier, à la Capelle, près de Saint-Quentin.

Semaine des Constructeurs du 8 mars 1890.

LE DIPLOME DES ARCHITECTES

Si nous avions jamais douté de l’importance que nos confrères – de province surtout – attachent à la question du diplôme, les nombreuses lettres que nous recevons, depuis que nous avons ouvert un « dossier » spécial sur ce sujet dans la Semaine, suffiraient à nous en convaincre.

Nous continuons donc à enregistrer d’une manière impartiale et au fur et à mesure qu’elles nous arrivent, les observations que nos lecteurs nous adressent ; en choisissant, bien entendu, celles qui nous paraissent offrir le plus d’intérêt.

TROISIEME LETTRE

Saint Quentin, le 10 mars 1890.

Monsieur le Rédacteur en Chef,

C’est encore moi ! Vous avez, avec une bienveillance dont je vous suis reconnaissant, inséré les « joyeux propos » que je vous avais adressés, malgré leur tournure un peu vagabonde. Je suis d’avis qu’il faut de la bonne humeur pour aller au feu. Les gens tristes ne font pas de bons soldats.

Je tiens, avant toute chose, à ce que M. Garnier sache bien que je me reproche de l’avoir asticoté. Je professe pour son magnifique talent toute l’admiration que nul de ses contemporains ne peut lui refuser. Quant à son église de la Capelle (car c’est bien d’elle qu’il s’agit), elle est, pour moi, un peu trop balnéaire.

Elle ferait, certes, très bonne figure sur une plage, au milieu des petites tentes de même couleur, comme une poule au milieu de ses poussins. D’ailleurs, c’est une affaire de goût et je n’insiste pas.

En ce qui concerne M. César Daly, j’ai pour lui une vénération qui date de ma jeunesse. Je me suis nourri des ses œuvres, inspirées toutes par le sentiment le plus élevé de l’art.

Ceci dit, je veux vous faire part des impressions nouvelles que m’ont suggérées les idées récemment émises par mes confrères dans la presse spéciale.

Je vois qu’un certain nombre d’architectes, tant de Paris que de la province, tout en désirant le diplôme, entendent ne pas le donner à tout le monde. Ils parlent de respecter les droits acquis ; mais leur manière de respecter ces droits est de ne pas conférer le diplôme à tous les architectes et à en mettre quelques-uns en état d’infériorité morale.

Il y aurait ainsi deux catégories d’architectes : les diplômés et ceux qu’on tolérerait, sans diplôme, dans les situations acquises. Comme ces situations acquises seraient dévolues, par voie d’extinction, aux diplômés, ce modus vivendi constituerait une véritable provocation à l’assassinat. On verrait les diplômés faméliques, employant des ruses de mohicans pour atteindre sûrement l’adversaire. Le poison des Borgia, le poignard et l’escopette se mettraient à la partie et l’on arriverait bientôt à l’extinction des situations acquises, ce qui ferait, du même coup, faire un grand pas à celle du paupérisme.

Je ne peux concevoir deux catégories d’architectes. J’avais craint, dès le début de la campagne du diplôme, de voir surgir une sorte de diplôme Géraudel, pectoral pour les Parisiens, purgatif pour la province ! Mes craintes à peine dissipées, j’en sens renaître d’autres sous forme de diplômés sans situation acquise et de non-diplômés avec situations acquises.

Et d’abord, qu’est-ce qu’une situation acquise ? Je sais, de par le monde, des gens qui se disent architectes, ayant fait nombre de fois faillite comme entrepreneurs et qui ont des situations acquises auprès du public. Etre failli est une situation acquise auprès des tribunaux de commerce.

Lorsque, en 1883, j’eus l’honneur de coopérer à la fondation de la Société des Architectes de l’Aisne, le but, le vrai but, était de faire une sélection nécessaire, d’indiquer au public, en l’absence du diplôme, de quel côté étaient ceux pour qui la profession ne comportait aucune compromission ni promiscuité et chez qui l’honorabilité professionnelle devait s’allier aux connaissances techniques et aux sentiments de l’art.

Toutes nos sociétés de province ont eu cette origine. Il s’agissait de séparer le bon gran de l’ivraie. Le but doit être atteint. Je ne dis pas qu’il n’y aura pas un peu de déchet ; mais qu’importe ! Est-ce que nous ne voyons pas fréquemment, des gens qui , la veille étaient notaires et qui, le lendemain, tressaient des paniers ou faisaient des chaussons de lisière dans les maisons centrales ? Est-ce que cela empêche la corporation des notaires d’être, dans son ensemble parfaitement honorable ? N’aurons –nous pas, d’ailleurs, des conseils de discipline, comme les avoués, notaires, avocats, etc. ? Or doncque, comme disait Panurge, point de distinction dans la situation transitoire qui s’ouvre.

Je n’ai pas fini. Je demande que la Commission ministérielle ne soit pas fermée à la discussion : qu’elle appelle à sa barre ceux qui le désireront ; qu’il y ait une ou plusieurs séances publiques, afin de permettre à chacun de discuter le choix de la sauce à laquelle il doit être mangé.

Cela provoquera des actes d’héroïsme, engendrés par le désespoir. Moi, qui vous écris, je parlerai, peut-être, devant M. Garnier. J’ai déjà commencé à m’entraîner, et, devant un portrait du moderne Adoniram, j’essaye mentalement de pathétiques objurgations. Ainsi, par exemple, je me transporte, par la pensée, devant la redoutable Commission et je dis à M. Garnier :
- Cher et illustre maître, veuillez, s’il vous plaît, m’effectuer de suite, au tableau, telle division algébrique.
- Vous sortez de la question ! me répond M. Garnier.
- Non pas, lui dis-je, je tenais à vous prouver que, pour les vétérans, il faudrait six mois de villégiature assidue pour se remettre au courant des démonstrations théoriques dont l’application est, pour vous, d’une pratique journalière !

Je démontre ensuite à M. Garnier et à ses vingt-huit collègues, dont quelques-uns ne connaissent pas même de nom le sieur Binôme, que l’examen sera toujours facile aux jeunes qui entreront dans la carrière ; mais qu’il serait inique de faire en sorte que leurs aînés n’y soient plus, comme çà, tout de suite.

Je demande donc la parole, et vous prie d’agréer, Monsieur, l’assurance de mes meilleurs sentiments de confraternité.

J. Malézieux

Semaine des Constructeurs du 15 mars 1890.

Peintres et Sculpteurs

[Haut de la page]

 
© Peintres-et-Sculpteurs.com - Paris-Brest.com

Conformément à la loi informatique et libertés du 06/01/1978 (art.38 et suivants), vous disposez d'un droit d'accès, de radiation et de rectification des données vous concernant sur simple demande écrite à cette adresse