Fantaisie: poème de Désiré
François Laugée, peintre et poète.
Fantaisie
A Jules Malézieux
Si j'étais la tourterelle
Douce et frêle
Qu'elle échauffe dans sa main
Ou bien la fleur qui se penche
Pure et blanche
Pour reposer sur son sein;
Ou si j'étais la couronne
Qui rayonne
Sur le jais de ses cheveux,
Ou bien la glace coquette
Qui reflète
La prunelle de ses yeux;
Si j'étais le doux zéphire
Qui soupire
A sa fenêtre, le soir,
Apportant à sa retraite,
Si discrète,
Comme un parfum d'encensoir;
Silphe, j'irais de mon aile
Autour d'elle
Répandre un brûlant rayon
Epiant près de la couche
Si sa bouche
A ses rêves mêle un nom...
Car si j'étais noble ou prince
Ma province
Serait à ses pieds demain;
Je la ferais châtelaine
D'un domaine
Mais je ne suis qu'un vilain
Sans quoi pour ma toute belle
Isabelle
Je n'aurais point de trésor,
Elle aurait, ma damoiselle,
Escarcelle
Avec la charnière d'or.
Moi seul, je serais son page;
Fier et sage,
Je la conduirais encore
Parée ainsi qu'une Châsse
A la chasse
Dans les bois, au son du cor
Et pour toute récompense,
Moi je pense
Qu'il ne me faudrait plus rien,
A moi, son fier capitaine,
Quand ma reine
Mirerait son oeil au mien.
Ô ! Si j'étais noble ou prince,
Ma province
Serait à ses pieds demain;
Je la ferais châteleine
D'un domaine
Mais je ne suis qu'un vilain.
Paris, décembre 1843.
Désiré François Laugée.