Saint Louis servant les pauvres : Peinture
de Désiré François Laugée. Huile
sur toile. Présentée au Salon
de 1867. Reproduction d'un détail du tableau original.
Dans Les Artistes Normands au Salon de 1867 au Champ de Mars à Paris, Alfred Dancel commente ainsi ce tableau : « Dans une salle basse du palais, dont les murs sont
revêtus d’un lambris d’appui d’un ton jaune, qu’interrompt
au fond une porte formée d’une draperie, sont rangées
deux tables garnies de banc où les pauvres sont assis. Au milieu, saint
Louis, vêtu de bleu semé de France,
distribue la desserte de sa table, « le pot de l’aumône
», comme on disait. Il prend des pains dans une corbeille que tient
un clerc de la panneterie vêtu d’une robe carmélite. Deux
jeunes garçons les reçoivent : l’un debout et de profil,
vêtu d’une robe rosée ; l’autre agenouillé,
et vêtu de vert. Les pauvres contemplent avec attendrissement le saint
roi. L’un d’eux baise le bas de son manteau.
La lumière frappe la table de droite et laisse tout
le reste de la composition dans une chaude demi-teinte, à la quelle
le tapis rougeâtre répandu sur le carrelage donne un ton local
un peu roux.
Comme d’habitude, les contours sont cernés,
et les teintes rompues qui les remplissent, d’une grande
fraîcheur de ton, s’harmonisent à merveille.
Peut-être ce tableau ne montre-t-il point dans sa coloration
la même force que le précédent (Saint
Elisabeth servant les pauvres), mais il témoigne chez M. F.
Laugée, dans les détails de l’ameublement et
du costume, un certain souci, non puéril, de la couleur
historique. Il est une remarque cependant que nous devons
faire. Tous les gens attablés au repas que leur sert le roi ont devant
eux une écuelle à côté de laquelle gît une
fourchette. Or ces pauvres, en s’en servant, se seraient montrés
plus délicats que le roi lui-même, qui mangeait avec ses doigts
comme tous ses contemporains et comme font encore les orientaux…….Tout
ceci importe guère au tableau de M. Laugée,
mais ces petits détails ont une valeur. »
Ernest de Toytot - Salon de 1867 au Palais de l'Industrie - Le Contemporain, Revue d'Economie Chrétienne, 1867, Paris. : M. Laugée, lui aussi, a bien mérité de l'art chrétien. Son Saint-Louis servant les pauvres est un tableau d'histoire empreint d'un sentiment juste, naturel et vrai. De la vérité religieuse à l'inspiration il n'y a qu'un pas, et M. Laugée a su le franchir. C'est ce qui aura lieu chaque fois qu'un peintre, pénétrant dans le vif de son sujet, saura préférer la mâle et noble grandeur de la vérité morale à des fantaisies plus ou moins ingénieuses. M. Laugée a eu le bon esprit de ne pas nous montrer un saint Louis vulgaire, paré comme un roi de théâtre de vêtements recherchés et brillants. Louis IX, au contraire, ainsi que nous l'apprend Joinville, s'était fait une habitude de porter longtemps les mêmes vêtements. Il n'eût eu garde d'ailleurs d'afficher au milieu des pauvres qu'il servait le luxe et les couleurs éclatantes dont l'archéologie mal avisée se plaît à parer ses images.
M. Laugée a su donner aux traits du saint roi ce sentiment de grandeur sévère, ce caractère ascétique, qui range son tableau parmi les meilleures œuvres religieuses du salon. Les convives du festin, des pauvres, des petits, des mendiants, indiquent eux aussi par leur attitude, par l’expression mystique de leur visage, qu’il s'agit moins ici d'un festin que d’un‘ repas fraternel où la foi, la charité, l'amour, la piété semblent redire les vertus du saint roi et les inspirations de ce siècle de héros, de croisés et de saints.
Louis Auvray - Salon de 1867 - Revue Artistique et Littéraire, 1867, Paris. ; M. Laugée : Saint-Louis servant les pauvres, est aussi une composition dont la mise en scène est disposée avec art et les figures savamment peintes.