Mort de Guillaume le Conquérant : Peinture
de Désiré François Laugée. Huile
sur toile. 1851. Oeuvre exposée au Salon des Artistes Vivants de 1853.
Le 10 septembre, au lever du soleil, le roi Guillaume expira. Ses médecins et les autres assistants qui avaient passé la nuit auprès de lui, le voyant mort, montèrent en hâte à cheval et coururent veiller à leurs biens. Les gens de service et vassaux de moindre étage, après la fuite de leurs supérieurs, enlevèrent les armes, la vaisselle, les vêtements, le linge, tout le mobilier, et s'enfuirent de même, laissant le cadavre presque nu sur le plancher.
Le corps du roi demeura ainsi abandonné pendant plusieurs heures, car dans toute la ville de Rouen les hommes étaient devenus comme ivres, non pas de douleur, mais, de crainte de l'avenir...
Enfin des gens de religion, clercs et moines, ayant repris leurs sens et recueilli leurs-forces, arrangèrent une procession. Revêtus des habits de leur ordre, avec la croix, les cierges et les encensoirs, ils vinrent auprès du cadavre et prièrent pour l'âme du défunt.
(Augustin Thierry, Conquête de L'Angleterre, tome II, Liv. XII)
Dans le feuilleton de la Presse du 1er juillet 1853, Théophile
Gautier commente ainsi le tableau : « Monsieur
Laugée a choisi peut-être un sujet trop anecdotique
pour l’importance historique de sa toile.
Ce cadavre royal, laissé nu sur le plancher, hors du lit où
il vient de rendre l’âme, et tous les serviteurs infidèles
ont pillé les draps et les couvertures, offre un spectacle peu digne
d’être reproduit, à moins qu’on y voit une leçon
‘illisible’ sur le néant des grandeurs humaines.
Heureusement pour l’honneur de l’humanité, le clergé
arrive avec croix, bannières et cierges, et s’agenouillant devant
le corps de celui qui fut Guillaume-le-Conquerant et ne peut
plus même étendre un linceul, murmure sur lui les prières
des morts et lui rend les derniers soins funèbres. – Il y a d’excellentes
qualités de dessin et de couleur,
de la force et de l’énergie dans le tableau,
qui gagnerait à être réduit à de moindres proportions
» Théophile Gautier.