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Désiré François Laugée

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Litterature : Souvenirs

Souvenirs
Souvenirs

Désiré François Laugée
Souvenirs


Technique : Poesie
Support : Papier
Sujet : Poème de Désiré François Laugée à son beau-père.
Localisation : Collection-Particuliere
Date : 1843 -

Souvenirs par Désiré François Laugée

Souvenirs Desire Francois Laugee peintre poete peintres et sculpteurs

Souvenirs à Joachim Malézieux : Poème de Désiré François Laugée à son beau-père Joachim Malézieux.

Souvenirs

A Joachim Malézieux

Encor quelques instants passés sous ce ciel gris,
Et j’irai m’enterrer aux brumes de Paris ;
Paris, vaste banquet, qui tout plein de murmure,
Laisse à chacun tomber sa part de nourriture,
Et découvre au milieu de son noir tourbillon
A chaque intelligence un pénible sillon !
C’est là, quand j’aurai fait mes adieux à ta ville,
A nos amusements, à ta bonne famille ;
Quand, nous quittant tout deux pour un autre chemin,
Nous nous serons donné un serrement de main ;
C’est là, cher Joachim, dans cette fourmilière,
Que je me souviendrai, quelquefois solitaire…

Dans les longs soirs d’hiver, souvent, près du foyer,
Quand l’œil se plaît à voir le sarment flamboyer,
Et la flamme entraînant quelques rouges parcelles
Briller au fond de l’âtre en gerbes d’étincelles, -
Quand c’est nuit au dehors, que Paris plus confus,
Va comme l’océan replier son reflux, -
Alors des souvenirs la souriante escorte,
Avec la poésie entr’ouvre votre porte…
Alors, lorsqu’à son front qui s’est soudain plissé,
On ressent qu’un parfum dans le cœur s’est glissé,
Qu’il est doux, du passé se répétant l’histoire,
D’avoir des bons amis, conservé la mémoire,
Et, calme au coin du feu, de poursuivre en rêvant
Ses pensées qui s’en vont comme la feuille au vent !...

Dans ces moments alors, laissant pencher ma tête,
Je me rappellerai, brumeuse silhouette,
Debout comme un fanal ton sinistre beffroi
Qui, le soir, au passant jette son cri d’effroi
Et ton hôtel de ville, et la place et l’église,
Découpant, sur le ciel du soir, sa croupe grise ;
Ton canal en été qui, modeste Jourdain,
Prodigue sa fraîcheur au rêveur citadin ;
Et tes champs paternels qui, féconde ceinture,
Encadrent la cité d’un damier de verdure,
Etalant des hameaux aux vallons diaprés
Et des troupeaux bêlants qui paissent dans les prés.
Tableaux sans accidents… Campagnes bien heureuses,
Bois que l’été revêt, ruisseaux bordés d’yeuses,
Sentiers qui, conduisant notre marche au hasard,
Nous entraînent parfois loin du bruit, à l’écart…
Quand nous gravissons seuls quelque lente colline,
A l’heure où le soleil à l’horizon s’incline,
Et fait, en allongeant les ombres des buissons,
Etinceler la vitre et le toit des maisons.
Vous reviendrez encore, ô lieux de mon jeune âge,
Au prisme du passé me montrer votre image ; -
Premier foyer des miens, que j’aurais oublié
Si les cœurs de vingt ans n’y gardaient l’amitié ! –
- Je t’aime sans regrets… - Tu m’apportes encore
Comme un reflet doré de ma première aurore ;
De mon passé si calme arrangeant un tableau,
J’arrête ma pensée au revers d’un coteau
Arrosé dans le bas par une onde argentine,
Où je venais m’asseoir et lire Lamartine
A l’ombre d’un buisson, - Quand le sol attiédi
Semblait tressaillir d’aise au rayon de midi !

C’était l’heure où, du son de sa corne, le pâtre,
Sous le frais des halliers chassait troupeau folâtre ;
C’était travail aux champs. – Du milieu des moissons
On entendait sortir de joyeuses chansons : -
C’était le tiède été ! – Les brunes jeunes filles
Fauchaient les épis d’or au tranchant des faucilles,
Tandis qu’ici la veuve, à qui rude est l’hiver,
Pour son fils orphelin glanait un pain amer,
Ou que l’enfant chétif de quelque pauvre vieille
Des épis oubliés, remplissait sa corbeille… -

A ces vieux souvenirs mon cœur peut allier
Les souvenirs bien chers du toit hospitalier
Où sur ton seuil ouvert secouant ma sandale
J’ai partagé les dons de l’amitié frugale.
Je me rappellerai ces instants courts et bons,
Où ton frère et nous tous, comme gais compagnon,
Sans consulter le ciel, s’il promet vent ou pluie,
Comptant sur le soleil, dont un rayon l’essuie,
Sous la blouse légère, un bâton dans la main,
Nous prenions pour les champs gaiement notre chemin.
- ici quand nous avions bientôt perdu la ville,
Tu me montrais Fonssomme et plus loin Bernoville,
Et des hameaux tout nus, parsemés dans les champs,
Berceaux de tous les tiens, et l’objet de tes chants.
Et puis nous poursuivions, par des landes désertes,
Les sentiers sinueux coupant les plaines vertes,
Et les ravins crayeux, et les riants coteaux
Où l’épine a gardé son fruit rouge aux oiseaux,
Jusqu’à ce qu’un clocher surmontant le village
Nous annonçât de loin le terme du voyage. –
- Là, la fête arrivait, comme nous, à loisir,
Et Jules s’était fait promesses de plaisir. –
De champêtres enfants : les filles accortes,
Apparaissaient déjà pimpante sur leurs portes,
Tandis qu’au son criard d’un aigre violon
Chacun pour voir danser désertait sa maison.
Là mon œil a cherché vainement dans les salles,
Parmi ces fleurs des champs, sujet de pastorales ;
Partout de la pudeur le lys empoisonné
Sous le vent des cités sèches et tombe fané. –
Toi-même, sous les traits de chaque jeune fille,
N’as-tu pas vraiment cherché là ta Camille ?
Et, te voilant le front et passant au-delà,
N’as-tu pas dit aussi : Non, l’amour n’est plus là !

Mais, parfois, n’as-tu pas, seul, penché sous la lampe,
Senti, poète, un feu divin brûler ta tempe,
Lorsque tout sommeillant, calme et silencieux,
Ton esprit s’égarait sous le dôme des cieux,
Et que redescendait tout d’un trait ta pensée
Sous ta plume légère en rythme cadencée…
Dis-moi, n’était-ce pas par quelque nuit d’été,
Où la lune inondant le ciel de sa clarté,
Allait se reflétant, harmonieuse et douce,
Sur les eaux de l’étang, aux arbres, sur la mousse
Et traçant dans l’azur son lumineux sillon,
Glissait dans ta retraite un nocturne rayon ? –
Une brise odorante, entr’ouvrant ta fenêtre,
Versant autour de toi son arôme champêtre ;
Ton oreille entendait avec ravissement
Les grands arbres pousser un doux gémissement,
Et le bruit des roseaux se frôlant sur la rive
T’arrivait sur les tons d’une note plaintive…
Et la nature avait, en berçant par les airs,
Sous un souffle inconnu ces mystiques concerts,
Comme un frémissement d’amoureuse colombe
Sortant du fond des bois à l’heure où la nuit tombe.
Oh ! Ne sentais-tu pas, alors prêt à rêver,
Sous un doux battement ton sein se soulever,
Et de tes souvenirs gardés au fond de l’âme
Sortir furtivement l’image d’une femme…
Fraîche rosée au cœur ! Fleur qui nous vient des cieux
Verser rêve qu’on voudrait ineffaçable
Qui s’imprime et s’en va comme un pas sur le sable…

A ce doux souvenir d’un amour inconnu
Qui soulevait le voile à ton cœur ingénu,
Il te semblait sentir à ton sein qui déborde,
Comme d’un luth vibrant, frissonner une corde ;
Tes esprits enivrés à la coupe de miel,
Flottaient comme la nue errant sous un beau ciel,
Et, rêveur, tu laissais aller ta folle plume
Au gré d’un souvenir dont le souffle parfume.

Doux souvenirs du cœur, aimables échansons,
Qui nous bercez les sens comme douces chansons,
Venez remplir, sans fin, à votre fantaisie
Ma coupe du nectar de votre poésie.
Petit dieux familiers à mon simple réduit
J’aime vos songes d’or, à mon chevet, la nuit !

26 décembre 1843

Désiré François Laugée.

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